WASTED
Mise en scène :
Martin JOBERT Wasted : gaspillé, perdu, raté, défoncé(
L’histoire
Ted, Charlotte et Dan célèbrent les 10 ans de la mort de leur ami Tony. C’est une déflagration pour ces jeunes adultes. Que seraient-ils devenus s’il n’était pas mort ? Et qu’ont-ils fait depuis leur 15 ans ? La réponse est cinglante : rien. Rien n’est advenu, l’impression réelle d’être passé à côté de leurs rêves et quoiqu’installés, ou presque, s’enliser dans les faux semblants et la vacuité d’un quotidien morne, aussi morne que leurs amours sans illusion. Alors en cette nuit de commémoration, prendre une dernière ligne de coke, se défoncer et tirer un trait définitif sur tout ça, partir peut-être. Loin. Changer tout. Repartir à zéro.
Mais en sont-ils capable ?
On a passé des bons moments non tous ensemble ?
Enfin je me souviens pas de tout ce qui s’est passé, mais on a eu des bons moments.
Non ?
Je vais te dire un truc c’est des petites choses qui me rendent heureux. Des trucs débiles. Comme par exemple, je déteste mon boulot, franchement, je le déteste. Je me réveille le matin et ma vie me dégoute. Mais j’aime bien quand je vois deux voitures de la même couleur garées côte à côte.
10 ans.
Comme si c’était hier hein ? Comme si c’était y a 10 ans pour moi.
La scénographie
Esthétiquement, tout a été pensé pour sublimer le quotidien raconté dans WASTED. Donner une dimension grandiose au prosaïque. Les lumières sont dessinées, la colorimétrie vive et la scénographie est épurée pour contraster avec la brutalité de la langue.
Tous les espaces sont totalement déréalisés. Le seul élément de décor est un monolithe rétro éclairé posé sur sont socle. Placé au centre de la scène, il évoque à la fois la tombe
de Tony, les lumières agressives et édulcorées de l’espace urbain et la grandeur des enjeux qui dépassent les personnages. Il devient tour à tour lieu de recueillement, café, hangar désaûecté ou encore kebab.
La lumière évolue à la fois au fil des 24h durant lesquelles se déroule la pièce mais suit également l’état de plus en plus altéré des personnages. C’est elle qui vient suggérer leur ivresse ou leur « défonce ». Les acteur.ices n’ont donc pas à jouer leur état second puisque celui-ci est pris en charge par la technique. Elle prend une place de plus en plus importante au fur et à mesure de la pièce, toujours dans cette idée de glissement vers le spectaculaire.
Seules leurs addictions sont représentées par des objets physiques : cigarette, cannette de bière, téléphone. Le traitement de la drogue est également complètement déréalisé. Chaque prise de drogue est symbolisée par un jet de paillettes que les acteurs souüent doucement dans les airs. Les paillettes stagnent dans l’air durant toute la durée de la pièce ce qui rajoute encore un eûet fantastique, presque hypnotisant pour le spectateur.
Le pourquoi
Il arrive qu’à 20 ans on regrette déjà nos 15 ans. Est-ce un stigmate contemporain, un symptôme de notre époque ?
WASTED parle de Londres et de sa jeunesse. J’ai grandi à Paris, ne parle pas anglais et je ne suis jamais allé a Londres. Pourtant, WASTED parle de moi.
Cette pièce a manqué à ma jeunesse. Kae Tempest pose un regard doux sur sa génération (la mienne), un regard qui part de l’intérieur sans misérabilisme ni grandiloquence. Un regard qui n’évite pas le ridicule et la médiocrité des drames et des joies qui tapissent le quotidien.
Ted, Dan et Charlotte doutent, iels sont désorienté.e.s. Le monde change, mais sans ell.eux. Iels se sentent à la traîne, loin, très loin de “là où ça se passe", à l’écart du centre du monde, à l’écart d’ell.eux-mêmes... Ratés existentiels, et conscients de l’être, iels ont pourtant à leur actif une situation stable qui leur oûrirait la possibilité de changer. Ou bien les mille et une justifications qu’oûre la mauvaise foi.
Célébrer Tony, leur ami mort il y a 10 ans les amènent à faire face à un tout autre deuil : celui de leur ancien futur glorieux. Il est diûcile d’accepter de ne plus avoir « la possibilité de ». Je me souviens encore du choc, devant la télévision, lorsque j’ai vu pour la première fois dans un match de foot, un joueur plus jeune que moi entrer sur le terrain. À cette seconde, j’ai enterré un rêve d’adolescent que j’avais pourtant oublié, celui de devenir footballeur professionnel. Malgré toute la volonté et l’entraînement nécessaire, ce ne serait plus possible, il était trop tard. Micro-drame pour moi, évidence pour les autres.
Bercés par des exemples de réussite de plus en plus jeunes qu’on érige malgré nous en modèle, on en vient à se demander si on n’a pas raté sa vie quand à 25 ans on n’a soulevé aucun ballon d’or, remporté aucun oscar, posé pour aucune couverture de Vanity Fair et qu’on n’est pas reconnu pour son engagement militant. Non, je ne serai pas le plus jeune acteur oscarisé de tous les temps. Non, je ne serai pas riche puisque je serai intermittent du spectacle. Pourtant, on me l’a assuré toute mon enfance : « quand on veut on peut ».
Les rêves qui nous paraissaient si facilement atteignables hier nous semblent aujourd’hui irréalisables. Mais à quel moment sont-ils devenus impossibles ? Quel à été le point de bascule ? Et puis qu’est ce qui nous attache réellement à notre quotidien ? Qu’est ce qui nous ancre à ce point dans une vie qui ne nous satisfait que partiellement ?
L’habitude sans doute, peut-être la peur... Et il y a aussi la fête, l’alcool et la drogue qui permettent parfois de maintenir l’illusion que tout est encore possible.
Ces questionnements ont trouvé en moi un écho fracassant. C’était la première fois que ce sentiment qui me traversait discrètement depuis plusieurs années m’était exprimé si clairement. Kae Tempest le traite avec simplicité et humour sans jamais tomber dans le fatalisme.
Et puis peut-être qu’abandonner nos idéaux est un acte plus héroïque qu’on ne le croit. Après tout, les plus grands mythes sont pleins de martyrs et de sacrifices. Et la beauté n’appartient peut-être pas qu’au grandiose.
Musique
WASTED est une pièce musicale. La musique est présente presque sur la totalité du spectacle. Nous l’avons pensée dans la continuité du traitement que nous accordons à la scénographie et aux lumières. Elle est à la fois un élément esthétique et dramaturgique.
Avec Raphaël Mars qui a composé la bande originale du spectacle, nous avons puisé notre inspiration dans le baroque anglais et dans le répertoire haute contre. Nous voulions créer un contraste avec l’esthétique urbaine et underground que dépeint Kae Tempest. La musique baroque ouvre un imaginaire tourné vers le sublime, teinté de religiosité, presque mystique. Elle illustre finement les drames intimes que traversent les personnages et ce sentiment d’être dépassé par leur condition, d’être soumis à quelque chose de plus grand qu’ell.eux
Elle se mêle discrètement à la fiction et à la parole des acteurs jusqu’a en devenir presque hypnotique.
La musique est également personnifiée sur le plateau. Soit par un musicien live soit par un.e acteur.ice. Dans les deux cas ils incarnent une présence discrète presque fantomatique qui rentre subtilement en lumière dans les moments chantés. Cette présence peut simplement représenter quelqu’un qui erre dans la ville, qui s’est perdu dans la nuit, mais elle évoque aussi Tony, leur ami mort depuis 10 ans. Elle agit comme un élément fantastique dans une fiction ultra-réaliste.
Le Public
Cette création peut être joué devant tous les publics à partir de 14 ans.
L’équipe de création
Kae Tempest / Auteur.ice
Martin Jobert / Mise en scène
Ada Harb / assistante à la mise en scène
Raphaël Mars / Musicien
Fabien Chapeira / Comédien, assistant à la mise en scène
Tristan Pellegrino / Comédien
Simon Cohen / Comédien
Kim Verschueren / Comédienne
Dates passées :
* 6 décembre au théâtre du Grand Bleu à Lille le 6 décembre 2024 à 16h
Dates à venir :
Dans le cadre du Festival Impatience
* Samedi 14 décembre à 19h au Théâtre Louis Aragon Tremblay en France
* Dimanche 15 décembre à 17h au Théâtre Louis Aragon Tremblay en France
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